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Diversité : qu’est-ce qui freine encore les  entreprises ?

26 juin 2019

Le monde du travail, les entreprises, et de fait, la gestion des ressources humaines se transforment. A l’heure où les millennials se tournent de plus en plus vers des employeurs responsables, qu’en est-il de la diversité dans l’entreprise ? Les organisations reflètent-elles davantage notre société et garantissent-elles mieux les droits fondamentaux des collaborateurs que ce soit en termes de recrutement, d’égalité salariale, d’évolution ou de promotion ? Chacun peut-il aujourd’hui s’épanouir au sein de l’entreprise avec ses spécificités ? 

La diversité en marche 

Apparu aux États-Unis dans les années 1960 avec le Civil Rights Act, le concept de diversité prend son ampleur en France avec notamment le lancement en 2004 de la Charte de la diversité et la création en 2005 d’ un secrétariat d’ État à l’ Égalité des Chances. A ce jour, le Code du travail a défini 25 critères (origine, sexe, mœurs, orientation sexuelle, apparence physique, handicap, âge, situation de famille, opinions politiques, convictions religieuses…) sur lesquels les individus ne peuvent être discriminés. Après plus de 10 ans de politiques de diversité, « les entreprises sont passées d’un impératif d’égalité des chances et d’intégration sociale, à un impératif de promotion des diversités qui doivent être reconnues comme légitimes, rendues visibles et prises en compte dans l’ensemble des processus ». En 2018, près de 3800 organisations ont signé la charte diversité, plus de 350 détiennent le Label Diversité, près de 95 le Label Égalité (portant sur la mixité et l’égalité professionnelle)… La diversité est reconnue comme un levier de performance économique et de lutte contre les discriminations. La plupart des entreprises déploient leur politique autour du genre, du handicap et de l’âge ; d’autres vont plus loin en s’attaquant aux origines sociales ou ethniques, à l’orientation sexuelle, au fait religieux, plus récemment à la grossophobie

« Gérer la diversité c’est réfléchir à la manière  d’optimiser les potentiels multiples au sein de l’entreprise.»

La diversité, une question encore fragile

Et pourtant la situation reste encore fragile. Selon le 11e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, la lutte contre les discriminations demeure un combat de longue haleine : « 1 personne sur 4 déclare avoir déjà fait l’objet de propos ou de comportements sexistes, racistes, homophobes ou handiphobes dans l’environnement professionnel ». État des lieux.

Ages •  Fin 2018, le taux de chômage des 15-24 ans est de 18,8 %, celui des 50 ans  et plus s’élève à 6,1 % (contre 9 % pour l’ ensemble de la population). 

Genre • L’écart entre les salaires des femmes et des hommes est de 24 % (9 % à poste égal) – 28 % des femmes travaillent à temps partiel (contre 6 % des hommes) – 17 % des postes de directions sont occupés par des femmes.

Handicap  •  Il y a 2,8 millions de bénéficiaires de l’ obligation d’ emploi (BOE), soit 7 % de la population active •  Taux d’ emploi direct : 3,4 % •  Taux de chômage : 19  %, soit près de 500 000 demandeurs d'emploi handicapés.

LGBT+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuel.le.s, Transidentitaires)  • Un LGBT sur trois (33 %) affirme avoir déjà été discriminé en raison de son orientation sexuelle au cours de sa vie •  Les discriminations les plus fréquentes ont eu lieu dans le milieu. professionnel (25 %), lors de la scolarité (21 %) ou d’ une recherche d’ emploi (19 %). 

Origines •  A diplôme égal, les jeunes de quartiers défavorisés sont 2,5 fois plus  touchés par le chômage et ont 2,5 fois moins de chances de décrocher un entretien d’ embauche.

Quels enjeux pour l’entreprise ?

Au-delà de l’ éthique et des questions de responsabilité sociale, les vrais enjeux de la diversité sont économiques. En 2016, France Stratégie évalue le coût des discriminations à près de 150 milliards d’ euros. Bien plus, davantage de diversité rapporterait au niveau mondial 28000 milliards $ de croissance supplémentaire et 240 millions d’emplois d’ici à 2025, selon le Women’s Forum for Economy and Society ! Autrement dit la diversité est un levier de performance source de richesses. Selon l’Association française des managers de la diversité (Afmd), « gérer la diversité permet de lutter contre le risque discriminatoire, d’attirer et fidéliser son collectif de travail et enfin de créer les conditions de la performance globale ». En effet, les entreprises qui intègrent la diversité y gagnent sur tous les plans : agilité, innovation, marque employeur, développement et pérennité du business, diminution du risque juridique lié à la discrimination. Des études démontrent que la complémentarité des profils et la présence dans les équipes de modes de pensée variés (formation et/ou culture différente) favorise la résolution de problèmes et l’innovation. La gestion de la différence s’ avère un réel atout pour la compétitivité de l’ entreprise et sa capacité à conquérir de nouveaux marchés. 

Vaincre les principaux obstacles à la diversité

Biais inconscients, absence de diagnostic et de mesure, approche silotée, manque de vision stratégique et transversale, sans parler de l’autocensure des individus… Tour d’horizon des principaux facteurs qui constituent des freins aux politiques de diversité. 

Penser que les collaborateurs issus des quartiers sont moins motivés, que les travailleurs handicapés sont moins performants, que les femmes sont plus absentes que les hommes, associer d’emblée une représentation masculine à certains métiers (médecin, ingénieur…), etc. sont des stéréotypes et préjugés fortement ancrés parce qu’ils reposent sur des biais cognitifs inconscients. Késaco ? La théorie des processus duaux démontre que nos jugements ne se basent pas toujours sur un raisonnement rationnel mais sur des impressions rapides et intuitives, appelées processus cognitifs de Type 1. Ces mécanismes de pensée rapides et automatiques simplifient les prises de décision parce que notre cerveau doit traiter au quotidien un nombre considérable d’informations. Non seulement ces biais inconscients nous concernent tous, mais ils varient d’une personne à l’autre ; ils sont le fruit de notre éducation, de nos relations sociales, familiales et professionnelles. Comment les traquer ? En formant les équipes RH et les managers à prendre conscience de ces biais et à les désapprendre.

Une entreprise qui n’a pas de talents diversifiés comporte des processus RH défaillants qui freinent sa performance. C’est pourquoi elle doit implémenter des critères objectifs de sélection à toutes les étapes du processus RH pour ôter toute subjectivité aux décisions de recrutement, d’évolution et de promotion. Ainsi elle peut optimiser pleinement le potentiel de chacun, sans sous-utiliser certaines compétences. 

Les CV génèrent de la discrimination, le CV anonyme a été jugé inefficace et coûteux ; et même l’IA reproduit les travers humains : fin 2018, Amazon a mis au placard son «robot-recruteur» pour cause de misogynie ! Pourtant les entreprises doivent s’ouvrir à d’autres viviers et canaux de sourcing pour recruter sans discriminer. De nombreuses pratiques innovantes voient le jour telles que le recrutement par simulation, les sessions de recrutement à l’aveugle (à l’instar de l’émission The Voice), le recrutement basé sur des valeurs sportives et d’engagement ou sur la gamification, le compagnonnage, l’IA éthique avec la start up MaathicsObjectif : se concentrer principalement sur la personnalité et le potentiel des candidats pour ne recruter que sur les aptitudes et/ou compétences.

La politique diversité ne doit pas se cantonner à la DRH ou à la mission Diversité de l’entreprise. Elle doit être portée par la direction, figurer dans la stratégie et être diffusée à tous les niveaux hiérarchiques et dans tous les services car elle concerne tous les collaborateurs, et plus particulièrement les managers de proximité, qui gèrent au quotidien des équipes diverses, quels que soient leur métier et leur secteur d’activité. Sans vision stratégique et transversale, les politiques diversité s’essoufflent et s’étiolent à la faveur de changements organisationnels ou d’équipes en charge de la question.

Certaines entreprises n’évaluent pas leurs politiques. Or comment faire progresser quelque chose que l’on ne mesure pas ? D’où la nécessité de dresser un diagnostic en amont puis d’évaluer l’impact des actions menées, à partir d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs ; et ceci dans un cadre réglementé, par le biais de procédures sécurisées. 

Par ailleurs, Patrick Scharnitzky et Pete Stone observent que le fait de traiter l’égalité des chances à partir de populations choisies (femmes, handicapés, seniors, LGBT...) plutôt que d’un sujet, génère certains effets pervers. Cette approche silotée stigmatise les populations auxquelles on veut venir en aide. Conséquence : la discrimination positive est souvent vécue comme une situation de favoritisme par les autres populations et peut être source de conflits alors même qu’elle visait le « mieux vivre ensemble ». Or, en abordant ces problématiques de manière transversale tout le monde se sent concerné. Si l’on prend l’exemple de l’équilibre des temps de vie, organiser des réunions à des heures décentes ou bénéficier d’horaires plus flexibles n’est pas qu’un enjeu pour les mères de famille ou les parents. Chacun a le droit de jouir de son temps libre pour organiser ses loisirs, s’occuper d’un parent, se soigner, etc. C’est une question de liberté et de bien-être individuel. 

Tout ne se joue pas qu’au niveau de l’entreprise...

Force est de constater que l’entreprise hérite de situations d’inégalités nées dans le système scolaire au moment de l’orientation. Agir au niveau de la formation et de l'orientation scolaire permettrait de renforcer l’ égalité des chances dès l’ enseignement secondaire, en informant les élèves sur la diversité des parcours de réussite. Comment trouver facilement des profils féminins dans les métiers d’ingénierie quand il n’y a que 27 % de femmes dans les écoles d’ingénieurs ? Saluons les initiatives de l’association Elles Bougent, qui sensibilise les collégiennes et les lycéennes aux métiers de l’industrie, de Women in Tech ou encore de Wi-Filles qui apprend aux filles à coder. 

L’autocensure (« Je ne suis pas à la hauteur »...) découle, elle, du phénomène de biais inconscients intériorisés. Les dispositifs d’accompagnement (mentoring...) et les roles models permettent aux individus concernés de prendre confiance en eux, de dépasser leurs croyances et d’oser !

Par ailleurs, en France 29% des employeurs rencontreraient des difficultés de recrutement. En cause, le décalage entre la compétence offerte et la compétence demandée. Pourtant il existe un gisement de talents issus de la diversité ! Une meilleure mobilisation des pouvoirs publics, entreprises et associations faciliterait l’accès à l’emploi dans les territoires. C’est le pari du programme Paqte, lancé en juillet 2018  dans 1500 quartiers prioritaires de la ville, avec de nombreuses actions (mesures anti-discriminatoires, testing, plus de 30 000 stages, le Plan 1000 jeunes…).

Vers une vraie politique d’inclusion !

Comment redonner du souffle aux politiques diversité ? Selon, Sweeney et Bothwick  le leadership inclusif constitue la clé du changement pour un meilleur accompagnement de toutes et tous, dans le respect des différences. Il repose sur sur 4 piliers :

Ce modèle exige dans le même temps de rester vigilant quant aux stéréotypes et de se doter d’indicateurs d’inclusion pour un meilleur pilotage.  L’inclusion génère une circularité positive entre le bien-être individuel et la performance sociale et économique.  Alors passons à l’ère de l’inclusion pour faire de la diversité une réalité !

« Valoriser les singularités de chacun pour le bénéfice de tous »  

Valérie Rilos, Consultante en communication RH/RSE

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